Accueil Actualités Exposition « La Transformation du Silence » : Mémoires de la colère et de l’injustice

Exposition « La Transformation du Silence » : Mémoires de la colère et de l’injustice

L’exposition « La Transformation du Silence », a pris pour cadre, depuis son vernissage le 22 septembre, la Chapelle Saint- Monique à Carthage dans l’enceinte de l’Institut des hautes Études Commerciales (IHEC). Elle dit à quel point les questions de la réappropriation de l’Histoire de leur pays taraudent des créatrices comme Hela Ammar et Souad Mani.

Le titre de l’exposition s’inspire d’un discours de l’écrivaine américaine et militante des droits civiques en faveur des Afro-Américains, Audre Lorde, où elle invite son auditoire à s’exprimer contre l’oppression. Marianna Liosi, la commissaire de l’exposition est sociologue et chercheuse dans le domaine des arts visuels.

Elle a bénéficié d’une bourse du programme « Mémoire et Justice » du Merian Center for advanced studies in the Maghreb (MECAM), à Tunis. « La Transformation du Silence » représente une des résultantes de ses recherches sur la justice transitionnelle dans le premier pays du « Printemps arabe ».

Pour cela Marianna Liosi a fait appel à deux artistes qui s’expriment à travers des installations vidéo, des sculptures, des photographies. Le son occupe une place importante dans l’exposition donnant un écho aux voix, aux revendications et aux frustrations qui se sont manifestées à l’issue de la Révolution de Janvier 2011. Des travaux imprégnés d’émotions ainsi que d’une dimension artistique et d’une valeur ajoutée esthétique « Ce qui m’a le plus interpellé dans l’œuvre de Hela Ammar et de Souad Mani, c’est qu’elles travaillent, chacune à leur manière, sur le temps long de l’Histoire de leur pays. J’estime que tout en considérant la polysémie des récits, l’art peut aider à reconstruire, voire à recoudre le tissu des mémoires », soutient Marianna Liosi.


Cartographie d’un territoire en ébullition
Dans la série « Tarz » (Broderie), Hela Ammar, à la fois juriste et artiste, mélange des photos d’archives, remontant à l’époque de l’indépendance du pays en 1956 à des images de la révolution avant de les relier par une broderie en fil de soie rouge. Les deux grandes transitions qu’a connu la Tunisie sont ainsi mises en relation. Un prétexte à une réflexion sur la fragmentation de la mémoire et sa nécessaire réunification. Comme ce qu’a tenté de faire la Loi organique sur la justice transitionnelle, qui couvre une période allant de juillet 1955 jusqu’à décembre 2013. Une vidéo sonore exposée à la Chapelle donne à écouter les envies de départ de jeunes tunisiens que l’Etat post 14 Janvier ne semble pas prendre en compte dans ses politiques et stratégies. Les prisons et leur système de déshumanisation poursuit cette recherche de l’artiste sur les sphères de l’injustice et de la colère.
Enseignante à l’Ecole des Beaux-Arts de Gafsa, Souad Mani a longtemps photographié ce territoire bouillonnant de par la révolution avortée qu’il a connu en 2008, souvent considérée comme la grande répétition de celle qui a éclaté deux plus tard à Sidi Bouzid. Terre des mines de phosphate, Gafsa a connu une foule d’injustices, notamment celles liées à la pollution, qui a infesté l’air et le sol de la région à la suite de l’extraction d’un minerai dont bénéficient les zones côtières du pays. C’est la mémoire de ce système inéquitable que Souad Mani a essayé de relayer dans une création numérique et à travers une installation où elle expose différents objets et archives trouvés à l’abandon à Gafsa : des factures, des reçus, des ordonnances médicales, des tracts de campagnes électorales du temps de Ben Ali…


« Ces matériaux, de petits documents de la petite histoire, tracent des trajectoires politiques et militantes. Ils deviennent des cartographies ressuscitant toute l’histoire des lieux. Peut-être bien que ces objets bruts évolueront dans une seconde phase vers un travail plus élaboré. Nous aurons montré alors au public l’itinéraire de ce projet », explique Marianna Liosi.

L’exposition, qui a aussi bénéficié du soutien de « La Boite » et de sa fondatrice, Fatma Kilani, se poursuit jusqu’au 14 octobre.

 

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